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Devoxx : 2020, 2035 et au delà : les robots de demain

devoxxLe Devoxx 2015 était, comme à son habitude, le lieu de rencontre des “geeks” java. Mais cette année, il était placé sous le signe des possibilités infinies, avec en particulier un thème repris sur les keynotes du jeudi et du vendredi : « FUTURE <DEVOXX> ».

Après avoir envahi nos chaînes de production industrielles, on peut voir des robots de plus en plus sophistiqués prendre place dans nos maisons. Aujourd’hui, des sociétés voudraient franchir une nouvelle étape, en proposant des robots capables d’apprentissage. Ils deviendront nos compagnons et réaliseront de plus en plus de tâches quotidiennes fastidieuses.

Alors, quand les robots cesseront-il d’être des sujets de curiosité et deviendront-ils des assistants personnels évolués ?

Pourront-ils embarquer toute la puissance et l’intelligence nécessaires, ou devront-ils toujours être connectés à des centres de calculs, comme l’est actuellement l’assistant vocal d’Apple, SIRI ?

Reconnaissance et identification

Les robots commencent à maîtriser la marche. Ils sont capables de voir en 3 dimensions. Ils peuvent maintenant analyser les visages pour reconnaître les personnes qui leurs sont proches et savent identifier des bruits familiers. Ils sont donc capables de réaliser des tâches de reconnaissance et d’identification, ce qui va leur permettre de suivre un objet ou une personne qui les accompagne.

Les difficultés de reconnaître et d’identifier sont partout comme, par exemple, dans le fait que le robot prélève l’information dont il a besoin autour de lui. Contrairement à une application sur ordinateur, l’utilisateur ne saisit pas les données (la question ainsi que le contexte). C’est au robot de dissocier lui-même les informations utiles du bruit ambiant. S’il se trompe sur les données du problème, sa réponse sera à fortiori erronée.

Autre exemple, ils peuvent entendre grâce à des micros, mais sont gênés par le son de leur propre voix. Ainsi, ils sont incapables de parler et d’entendre simultanément.

Robotique développementale

Avec la robotique développementale, on revient aux sources. Plutôt que d’essayer de copier les comportements élaborés, tels que peut les réaliser un être humain, ne pourrait-on pas apprendre au robot à les apprendre par lui-même ?

La théorie du Flow, élaborée par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, indique qu’un individu est dans un état de concentration maximale s’il se trouve au-delà d’un seuil d’ennui et en-deçà d’un seuil d’anxiété (Cf. Flow Channel Wave illustration extraite de “The Art of Game Design” de Jesse Schell).

flow

Pierre-Yves Oudeyer s’appuie cette théorie pour doter les robots de la curiosité. Parmi les expérimentations que le robot va réaliser, certaines vont lui apporter plus d’informations, plus de reconnaissance et donc plus de plaisir. Bien sûr, aucun des comportements n’aura été pré-programmé, et c’est donc le robot qui va sélectionner ceux qui lui apportent le plus et éliminer les autres.

En multipliant ces expérimentations, on pousse le robot à s’intéresser à des activités nouvelles et donc à évoluer par l’auto-apprentissage.

Le même schéma, basé sur des robots curieux et doués de la capacité d’émettre et d’entendre des sons, permet de développer de véritables langages. Grâce à l’interaction de plusieurs robots, ils vont petit à petit se mettre d’accord sur des sons pour designer des objets. Le champ lexical est entièrement contextuel et, si l’expérience est renouvelée avec d’autres objets et d’autres couleurs, alors la langue obtenue sera différente.

2035

A l’horizon 2035, l’objectif pour certains robots pourrait-être de devenir des « elfes de maison ». C’est à dire des aides non plus seulement à mêmes d’exécuter des tâches simples, mais capables de noter les habitudes, de comprendre les situations ou les comportements et finalement d’anticiper nos besoins.

Quand on côtoie quelqu’un régulièrement, il est très difficile de prendre conscience des petits changements quotidiens. C’est vrai pour les enfants, que leurs parents ne voient pas grandir, mais c’est surtout vrai pour les personnes âgées. Celles-ci sont très routinières et un robot domestique sera capable de déterminer les habitudes prises quotidiennement, hebdomadairement ou sur des périodes annuelles. Une fois le profil-type établi, il sera simple de noter les changements d’habitude. Il détectera aussi les petites évolutions quotidiennes, qu’il pourra consolider et, au-delà d’un seuil fixé, déclenchera une alerte. Les informations collectées seront autant de symptômes qui faciliteront le diagnostic du médecin.

Déshumanisation

On peut penser que l’utilisation de robots domestiques va renfermer les utilisateurs. Les rendre dépendant d’outils plus que de leurs proches. Mais c’est avant tout un moyen qui permettra à une personne âgée de rester plus longtemps à domicile. En créant l’interaction, le robot oblige la personne âgée à sortir de son silence, à interagir avec son environnement, à s’exercer quotidiennement. Enfin, dans un cercle restreint, le robot attise la curiosité et déclenche la conversation et l’échange.

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Le problème vient de la capacité forcement limitée de traitement d’une unité mobile. Les robots peuvent entendre puis comprendre une requête énoncée par la parole, mais pour ce faire, ils doivent échanger avec des centres de calcul d’une puissance mille fois supérieure à la leur. A l’image des assistants vocaux « SIRI » ou « OK google », la demande est enregistrée, envoyée pour décodage à un serveur qui va proposer une réponse au robot, qui n’aura plus qu’à l’énoncer.

On le voit, pour être de plus en plus pertinent, le robot va collecter d’énormes quantités d’informations qu’elles soient auditives ou visuelles. Dans le cas d’un robot de maison accompagnant une personne âgée, il aura certainement une connaissance plus approfondie des habitudes et des capacités de celle-ci que ses proches, voire que la personne elle-même. Ces données sont à caractère hautement personnel, voire intime dans certain cas. Or, toutes vont transiter, être analysées sur des réseaux et dans le «Cloud ».

La solution passera probablement par des algorithmes de cryptage, mais seront-il à l’abri de tout décryptage ? Et seront-ils exempts de bug ?

La sécurité

En 2014, trois bugs majeurs (Heartbleed, Shellshock et dans SSL v3) ont été découverts et un grand nombre de sites web ont été touchés.

Il y a là une première responsabilité des développeurs : il faut apprendre à développer avec pour objectif « zero bug », et se doter des outils nécessaires pour garantir la sécurité des utilisateurs de nos programmes.

Les vulnérabilités peuvent toucher aussi bien des bibliothèques logicielles récentes que des bibliothèques largement utilisées depuis longtemps. L’âge, ou la durée de vie, d’un composant n’est pas une garantie de sa qualité. Quel que soit le logiciel, il est nécessaire de maintenir une veille technologique sur les failles qu’il pourrait contenir et de mettre à jour en permanence ses composants.

Open source

L’utilisation de logiciel open source pourrait être une partie de la réponse. Un logiciel open source est un morceau de code source que chacun peut télécharger, analyser, comprendre ou encore faire évoluer, avec un « fork ». Ces éléments apportent des garanties en termes de contenu et donc une sécurité pour l’utilisateur. Si le logiciel contient une « back door », il est probable qu’elle soit vite découverte, de même pour les bugs.

L’open source permet aussi de créer des communautés d’utilisateurs, qui vont alimenter des forums de discussion, ce qui pourrait faire émerger les défauts et justifier les choix de conception.

Mais un robot est un objet physique, donc qui ne peut pas être open-source. Cependant, il y a une importante part de logiciel pour faire fonctionner le robot, et ce dernier est fabriqué suivant des plans qui peuvent être open source.

La fabrication d’un robot pouvant s’avérer fastidieuse, même avec des plans précis, l’impression 3D va permettre de se libérer de cette contrainte : en rendant possible le téléchargement des plans et l’impression des pièces, il sera donc possible de réaliser le montage d’un robot fonctionnel en quelques heures.

Avec l’impression 3D, on entre dans l’ère du « rapid prototiping » sur des objets : expérimenter des formes de robot différentes, corriger ou améliorer les fonctions, spécialiser des robots pour réaliser des tâches pour lesquelles ils n’étaient pas conçus initialement, tout cela deviendra possible.

Enfin, pour en revenir à l’Homme, il est possible de concevoir et de réaliser des prothèses toujours plus performantes et mieux adaptées. Ces éléments mécaniques, issus de la robotique et optimisés au plus fin, vont permettre de pallier les défaillances de l’Homme.

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On l’a vu, les robots n’ont pas fini de nous étonner. Même si l’on peut anticiper les capacités croissantes de ces nouveaux compagnons, nous ne sommes aujourd’hui qu’au balbutiement et le chemin est semé d’embûches.

Ils vont évoluer du simple statut de “mécanique qui étend notre main” à celui d’élément autonome. Les conséquences de la robotique développementale seront-elles acceptées par nos sociétés ? Les technologies open source basées sur le partage de la connaissance seront-elles la clé pour se prémunir des dérives ?

Une chose est sûre, les robots seront toujours plus présents autour de nous, alors il vaut mieux apprendre à vivre avec eux !


Références :

[DEVOXX] Le futur de la robotique personnelle, Rodolphe Gelin

[DEVOXX] La problématique du contrôle des technologies de l’information, Eric Filiol

[DEVOXX] Un robot peut-il apprendre comme un enfant?, Pierre-Yves Oudeyer

Robotique développementale

2014 : Rapport n° 1 de la CERNA, Commission de réflexion sur l’Éthique de la Recherche en sciences et technologies du Numérique (résumé)