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Une nouvelle ère pour les Interfaces Utilisateur

designArticleImageC’était à l’automne 2009, chez ma sœur à Stanford, quand j’ai ouvert la boîte d’un ZuneHD. Tout ce qu’on avait appris récemment sur les interfaces tactiles, et presque tout ce qu’on allait apprendre pendant les années suivantes, était d’un seul coup présent devant mes yeux – cela m’a pris du temps pour digérer cette information. 

Je préfère vous prévenir :

Il y a certains moments où le blog de Soat ressemble plus à un blog qu’à MSDN. Des moments où un de nos consultants ne parle pas d’une solution technique ou d’un problème concret, mais partage son point de vue ou ses expériences sur un sujet plus général – lié à l’Informatique bien sûr.

Ceci est un de ces moments.

J’avoue que je ne pourrais pas satisfaire tous les publics. Je ne peux pas aborder en même temps toutes les nouveautés des interfaces utilisateur : le tactile, les formes d’écran, la connectivité interrompue ou la typographie (ceci est un article, pas un livre, et il y a sûrement de meilleures références que moi dans le domaine). Je voudrais juste prendre du recul sur les évolutions des dernières années et trouver le fil conducteur qui lient ces évènements.

La Pomme qui sort du Paradis

Jusqu’à récemment, quand on parlait du design en informatique, la pomme de Cupertino était souvent le premier symbole qui venait en tête. Apple, avec ses beaux appareils stylisés, était une référence.

A part la beauté, nous sommes obligés de lui reconnaître l’innovation, la recherche à la simplicité et l’attention au détail. Il y avait toujours des choix contestés, comme les souris à un bouton, mais Apple avait réussi à avoir un style unifié et immédiatement reconnaissable dans ses logiciels (et dans ses appareils, mais dans cet article, je ne veux pas me concentrer sur ce point). Un des plus grands arguments en faveur d’OS X a toujours été le fait que toutes les applications ont le même style et les mêmes conventions d’utilisation. Sur Windows, c’était n’importe quoi (essayez de mettre Nero, Windows Media Player, WinZip et Messenger à côté sur une machine Windows XP).

Mais le plus grand moment d’Apple, l’introduction de l’iPhone, était aussi sa première rencontre avec un problème qui semblait incontournable : il devait y avoir deux langages d’interface. En effet, les besoins très différents entre un écran de 30cm ou plus et un de 9cm ont imposé deux styles, donc deux façons d’interagir avec les machines.

Le problème est devenu plus prononcé avec l’apparence de l’iPad. Jusqu’à cet instant, Apple avait deux types d’utilisateurs : les professionnels de design (graphistes, etc) et les utilisateurs aisés qui souhaitaient quelque chose d’esthétique. Satisfaire les deux groupes en même temps, en faisant attention au style et à la simplicité, était relativement facile. Mais avec l’iPad, cela s’est étendu à un nouveau groupe : les personnes qui voulaient un ordinateur vraiment très simple d’utilisation, même si deux logiciels ne pouvaient pas être visibles en même temps. Ce n’est pas un secret que, dans plusieurs pays, il a eu un très grand succès avec les personnes âgées. De plus, pour concurrencer les systèmes existants de vente de contenu, il se devait d’être aussi simple qu’un livre ou une télévision basique.

Comment peut-on satisfaire un utilisateur de Photoshop, un adolescent et ma grand-mère en même temps ? Ce n’est pas évident. Au niveau visuel, Apple a récemment eu recours, ceci plusieurs fois, à un “skeuomorphisme” extrême : pour rendre l’utilisation de ses logiciels plus claire, ils les ont fait ressembler à un objet matériel. Mais quel jeune peut comprendre à quoi ressemble l’application suivante ?

App Podcast Apple

Petit à petit, Apple a commencé à perdre le support de son ancienne cible favorite : les amateurs ou professionnels du design (à part les “hipsters”). Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là : ayant un domaine d’applications et de matériels plus grand et une cible plus hétérogène, Apple voit revenir d’anciens problèmes d’ergonomie ou de fonctionnalités.

Bien sûr, avec les capacités de financement et les talents faisant partie d’Apple, le défi n’est pas perdu. Après tout, ils peuvent s’inspirer d’une entreprise qui adorait copier les idées conçues en Cupertino.

Le Grand Ancien Réveillé

Microsoft sait ce que c’est d’avoir une cible hétérogène. Ils s’adressent à tout le monde en même temps : administrateurs de réseau, développeurs SQL, comptables, enfants qui font leur TPs, jeunes qui jouent, et même mon père qui prépare les exercices pour ses élèves. Ils ont des plateformes relativement ouvertes, où n’importe quel étudiant peut écrire et distribuer son petit freeware.

C’était déjà le bazar quand l’iPhone est sorti. Le résultat n’était pas toujours désagréable : particulièrement dans le milieu de l’entreprise, les produits Microsoft étaient presque toujours plus simples et visuellement moins déprimants que ceux de la concurrence (voir Oracle, IBM etc). Mais chaque département chez Microsoft avait son style à lui. De plus Microsoft devait s’adapter à un nouveau monde où le tactile devenait dominant, tout en gardant une certaine compatibilité avec les usages classiques de ses logiciels.

Zune HDEn tant que consommateur, j’ai eu le plaisir de suivre Microsoft dans cette quête pour trouver son chemin. Zune Software était le premier pas vers une interface design, mais l’ergonomie et la simplicité n’avaient pas encore trouvé leur place. Et là, en Septembre 2009, nous avons vu le ZuneHD. Tout ce que vous voyez maintenant sur Windows 8, Windows Phone, Xbox Dashboard et Azure s’appuie dessus. La simplicité, les lignes claires, la typographie, l’ergonomie, les animations et l’abolition de tout “skeuomorphisme” ou ornementation a eu ses pour et contres. Mais ce qui est sûr, c’est que ça a laissé ses marques dans le monde du design (regardez par exemple les chartes graphiques introduites en 2012 aux sites Ars Technica,  Engadget et Verge).

Bien sûr, la vie n’est pas rose pour Microsoft. Dans plusieurs marchés, ils se sont trouvés en 2ème, 3ème ou 4ème place, et ils doivent travailler leur position de faiblesse. Dans d’autres, ils doivent redéfinir leur modèle et reformer leurs utilisateurs. Et ils ont encore énormément de boulot pour aligner toutes leurs applications. Ils n’y sont pas encore mais, pour la première fois dans l’histoire de Microsoft, ils essayent d’avoir un langage d’interface original et commun qui peut s’adresser à toutes ses cibles, et ceci est communiqué aux développeurs. Ils arrivent déjà à avoir une interface de programmation (codename Napa : programmation des applications pour Office 2013) et une administration (Azure) en utilisant ce nouveau langage, donc il n’y a pas de doute sur le chemin parcouru.

Et Nous, nous sommes où dans cette histoire ?

Je ne vous cache pas que, la première fois que j’ai connu les interfaces tactiles et que j’ai compris ce que cela signifie pour les développeurs, cela m’a fait peur. Sur Windows Mobile 6.1, je pouvais créer un tableau et le binder à une source de données. Sur iPhone, je devais réagir aux évènements tactiles et réfléchir aux interactions, au zoom et à plein d’autres détails.

Deux facteurs ont apaisé mes craintes :

  1. En tant qu’utilisateur, ayant déjà utilisé des appareils magnifiques comme ZuneHD ou Surface RT, je vois très bien les avantages. Sur iPhone et Windows (Phone), j’ai maintenant l’instinct d’utiliser les applications pour me simplifier la vie, et  (le plus important) de payer pour acheter le logiciel.
  2. En tant que développeur, mon expérience depuis le premier Far West des interfaces tactiles s’est nettement améliorée. Il y a une documentation sur tous les gestes attendus par les utilisateurs et comment les activer. Avec les outils d’aujourd’hui (Blend et Visual Studio dans mon cas), je peux créer des animations, et m’aligner à la charte du système et aux attentes des utilisateurs, en ayant suffisamment de liberté pour trouver la solution la plus adaptée à chaque cas. Les APIs de communication entre applications sont extrêmement plus simples et je n’ai plus besoin de fouiller dans les appels COM.

Et le plus important, c’est la facilité de faire découvrir et distribuer une application. C’est clair que c’est à double tranchant à cause de la difficulté de ne pas concurrencer d’autres applications (dont certaines gratuites), mais c’est mieux que d’être découvert par 10 personnes seulement.

Ceci dit, la cible informatique en général s’est étendue. L’époque à laquelle chaque utilisateur avait besoin d’un geek à côté pour lui montrer comment ses logiciels marchent est terminée. Nous ne pouvons plus nous passer de l’ergonomie et de l’esthétique (deux sujets très différents, en général unifiés sous le nom de « User Experience – UX »). Avoir un vrai panel d’utilisateurs et de vrais professionnels de l’Expérience Utilisateur, qui comprennent la plateforme, est un énorme atout.

Malheureusement, un bon responsable UX (particulièrement un qui a étudié ce sujet) est aussi rare qu’un bon chef de projet ou un business analyst. Les clients qui adorent le kitsch, les graphistes qui font une maquette statique “cheesy” sur Photoshop sans penser à l’implémentation et l’intégration avec la plateforme, les problèmes utilisateur ou la localisation, cela va durer encore longtemps, tout comme les développeurs qui ne peuvent pas nommer plus de 8 couleurs. J’ai peur que le plus grand défi soit d’avoir assez de patience avec eux !